Faire rire

Mes chères lectrices, mes chers lecteurs,

Il y a une semaine, j'ai fait ma première scène. Et j'avais envie que l'on partage cette évolution de vie ensemble.

Que dire ? Par où commencer ?

Depuis que je suis enfant, je rêve de faire de la scène, du cinéma, ou bien les deux. J'ai commencé ma vie en faisant du théâtre avec une troupe pour enfants, et en regardant les blagues de Florence Foresti.

J'y ai passé les plus belles années de ma vie, sans aucun doutes. Je remercierai toujours mon premier professeur de théâtre. Il m'a tout apprit. Les bases.

Ce professeur me faisait peur, mais je l'admirais. C'était le seul qui croyait en moi.

Il me donnait toujours les premiers rôles et me faisait travailler comme un chien. Un jour, après une représentation, il m'a dit cette phrase que je n'oublierai jamais, "Caroline un jour tu auras un Molière". On y est pas encore mon cher Christian, mais un jour je viendrais fleurir ta tombe en te disant qu'on a réussi.

Je me sentais si vivante, si utile. Les gens riaient aux représentations, ils souriaient, et moi ça me rendait heureuse.

Et puis, avec les études que j'ai suivi, j'ai du arrêter, pour mon plus grand malheur.

J'ai fait du Droit, faute de choix, je n'avais qu'un seul but, plaider.

Au fur et à mesure des stages, je me suis rendue compte que plaider n'était pas le seul travail d'une avocate. Je termine mes études et reste sur ma faim.

Comment dire à mes parents que je veux être sur scène ?

Comment leur dire, six mois avant le passage du barreau, que cette vie ne me suffisait plus ? Comment leur dire que ma place était ailleurs et non pas dans un tribunal ?

Impossible de tout plaquer du jour au lendemain, il me fallait un plan.

Et si je commençais à mettre mes histoires sur internet, comme me disaient mes amies ? Je laisserai ainsi mon destin à des gens qui voudraient bien m'écouter, me dis-je.

Je suis très attachée au destin. Et Internet a décidé de ce dernier.

Nous sommes en novembre 2023, et ma psy ne comprend pas pourquoi je ne suis toujours pas inscrite en école d'acting. Je redoutais de ne pas en avoir les capacités. L'échec, j'aime pas trop. J'appelle la dite école et passe mon premier monologue devant toute la classe, devant des inconnus.

J'intègre la classe et ces gens ne sont plus des inconnus. Et je retourne à mes racines, à ce jeu, ces mises en scènes et je revis.

Pendant ce temps, j'écris mon premier stand up dans mon coin. Je n'ose pas me lancer. Et si les gens ne riaient pas ? Et si poster des vidéos était plus facile ? Et si j'avais peur ? Ah ça oui j'avais peur.

Le 2 janvier, on me propose une opportunité que je ne peux pas refuser, jouer dans ce mythique Comedy club. J'y vais sans réfléchir. Je veux me lancer avant mes 25 ans. Il était hors de question de reculer encore cette échéance.

Le 8 février, je joue devant plein de petites personnes que je ne connais pas et ça me rend heureuse. Les gens rient, ils sont gentils et bienveillants alors que je tremble comme une feuille. Mon corps entier est tétanisé. J'en sors plus heureuse et plus accomplie que jamais. Les gens avaient ri et moi je veux recommencer. Je bois trois Spritz à 17h et je vais me coucher, des étoiles dans les yeux. C'était vous mes étoiles, vous qui êtes venus m'applaudir.

Demain, je passe deux fois devant cinquante autres petites personnes (oui ça me rassure de vous appeler les petites personnes). J'y vais mais j'ai sacrement peur.

Il y a une grande différence entre les vidéos et la scène. Quand je joue sur scène, ces petites personnes se déplacent pour passer un bon moment. Au contraire d'une vidéo, aucun efforts n'est à fournir. La pression est monstrueuse quand je constate des sessions complètes et notamment quand ces petites personnes me disent "j'ai pris ma place, trop hâte de te voir !". AHHHHHH c'est tellement terrifiant.

Si je tremble demain, ne m'en voulez pas. Mais je suis heureuse de vous rencontrer. Parce que la scène, c'est aussi rencontrer ces petites personnes, vous.

Merci Internet d'avoir choisi le meilleur des destins pour ma petite personne, il n'avait pas tord.

Caroline (qui tremble déjà) <3